Cette procédure est une des 2 principales façons d’identifier les mots écrits. C’est celle qui permet au lecteur de passer du décodage, laborieux et lent, à une lecture rapide, fluide.
Selon les cadres théoriques auxquels on se réfère, elle est aussi appelée procédure de reconnaissance orthographique ou voie d’adressage encore voie directe de lecture.
Cette procédure permet de reconnaître directement les mots écrits via leur forme orthographique. C’est celle utilisée par le lecteur expert qui ne décode quasiment plus jamais mais traite les mots dans leur globalité. Pour cela, il faut avoir mémorisé l’ensemble des formes orthographiques des mots de notre langue. Cette mémorisation se fait de façon graduelle, par l’intégration progressive de la forme orthographique des mots dans le lexique mental.

Reconnaissance immédiate des mots : le réseau lexical
On parvient à lire les mots d’une traite lorsque on a leur orthographe en mémoire. Pour lire vite, on doit donc mémoriser l’orthographe des mots. Or, on ne mémorise pas l’orthographe d’un mot indépendamment de sa forme orale et de son sens.
Mémoriser l’orthographe d’un mot c’est intégrer sa représentation orthographique (sa forme écrite) dans un réseau plus vaste qui relie toutes les connaissances que l’on a déjà sur ce mot dans notre mémoire.

Ce réseau lexical tripartite est au coeur de la procédure lexicale de lecture. Il définit le lexique mental. Ce lexique n’est pas seulement utile en lecture, il l’est aussi en dictée. Mémoriser l’orthographe des mots et renforcer le réseau lexical correspondant est indispensable pour devenir à la fois un bon lecteur et un bon scripteur.
Comment cette mémorisation a-t’elle lieu ? Le plus souvent l’apprentissage orthographique est involontaire, implicite : c’est en lisant que l’on mémorise l’orthographe de la plupart des mots. On peut aussi apprendre l’orthographe de certains mots volontairement via un apprentissage explicite : on va s’exercer via des exercices spécifiques et faire un effort conscient pour mémoriser l’orthographe des mots.
L’apprentissage orthographique : conditions
La répétition des lectures
L’apprentissage orthographique est graduel : on commence à mémoriser l’orthographe du mot dès la première lecture et la lecture répétée d’un même mot est indispensable pour bien mémoriser son orthographe. Pour favoriser l’apprentissage orthographique, il faut que le mot apparaisse plusieurs fois disséminé dans le texte.
Le nombre de lectures requises pour assurer la mémorisation varie d’un élève à l’autre. Chez les élèves normo-lecteurs, une représentation orthographique mentale stable est obtenue après 4 à 5 lectures. Mais les faibles lecteurs ont besoin de décoder le mot + souvent pour bien mémoriser son orthographe.
Attention : la représentation orthographique mentale d’un mot n’est pas acquise une fois pour toutes ! Elle a tendance à se dégrader dans le temps si elle n’est pas régulièrement renforcée. Il faut donc relire le mot régulièrement pour maintenir et renforcer sa représentation orthographique en mémoire.
Les capacités d’attention visuelle
On ne mémorise pas une image parfaite du mot écrit (comme une photo), on mémorise la séquence de lettres du mot telle qu’elle a été perçue, analysée par notre système visuel au cours de la lecture. Or, l’identification correcte des lettres du mot dépend des capacités d’attention visuelle de l’enfant : l’empan visuo-attentionnel.

De ce fait, les enfants qui ont un empan visuo-attentionnel élévé sont capables d’identifier davantage de lettres simultanément au sein du mot écrit, ils le perçoivent mieux et ont donc de meilleures connaissances lexicales orthographiques. De plus, ils ont des facilités dans cet apprentissage grâce à leur bonne perception des lettres.
Un déficit de l’empan visuo-attentionnel se traduit par des connaissances orthographiques lexicales limitées et des difficultés d’apprentissage orthographique. En l’absence d’un lexique orthographique mémorisé, ces enfants écrivent le plus souvent les mots comme ils se prononcent et ne prennent pas en compte la valeur des lettres contextuelles comme le ‘c’, le ‘g’ et le ‘s’.
Attention : un bon niveau d’empan visuo-attentionnel ne garantit pas un bon apprentissage orthographique car ce dernier peut aussi être perturbé si un enfant présente un trouble de la vision non corrigé ou s’il lit insuffisamment pour renforcer la représentation orthographique en mémoire du mot qu’il a déjà rencontré.
La mémorisation de l’orthographe en situation de lecture (apprentissage involontaire de l’orthographe)
Situation de lecture autonome (auto-apprentissage)
-Si le décodage est exact et que l’élève connaît le mot à l’oral, l’apprentissage orthographique est réussi.
-Si le décodage est approximatif MAIS que cela évoque pour l’élève un mot connu à l’oral par lui, l’apprentissage orthographique est renforcé. La connaissance du mot à l’oral facilite l’apprentissage orthographique même quand le décodage est approximatif (d’où l’importance que l’élève ait un bon stock de vocabulaire à l’oral).
-Si le décodage est très échoué, cela ne permet pas à l’élève d’activer la forme orale du mot en mémoire et le réseau lexical orthographique ne s’en trouve pas renforcé. Les difficultés importantes de décodage gênent l’apprentissage orthographique (c’est le cas par exemple chez les enfants dyslexiques).
Situation de lecture supervisée par un lecteur expert
Si le décodage est très perturbé mais si un adulte corrige, dans ce cas l’enfant peut associer la représentation orthographique du mot qu’il vient de décoder à la bonne forme phonologique et au sens correspondant.
La lecture supervisée par un lecteur expert qui corrige les erreurs de décodage facilite l’apprentissage orthographique. Cette situation est particulièrement adaptée pour les enfants dyslexiques.
De plus, cette lecture supervisée permet aux débutants lecteurs d’apprendre l’orthographe des mots qu’il ne savent pas encore décoder tout seuls comme les mots-outils, ce qui permettra leur reconnaissance rapide dès le début de l’apprentissage de la lecture. C’est aussi très utile pour l’apprentissage orthographique des mots irréguliers.

L’apprentissage volontaire de l’orthographe (apprendre à apprendre un mot à l’écrit)
Le simple fait de lire permet, à certaines conditions (cf. paragraphe ci-dessus), de mémoriser l’orthographe des mots : c’est ce qu’on appelle « l’apprentissage involontaire ». Mais compter uniquement sur la lecture pour mémoriser l’orthographe des mots n’est pas suffisant. On a aussi besoin d’apprendre ou de renforcer sa connaissance de l’orthographe par des activités spécifiques : c’est alors un apprentissage volontaire et explicite de l’orthographe lexicale. Cet apprentissage est très important pour améliorer les performances des élèves en écriture et en lecture et ce bénéfice s’observe à court et à long terme et à tous les niveaux de la scolarité.
Bien faire mémoriser l’orthographe des mots : principes fondamentaux
Donner une liste de mots à apprendre à la maison puis contrôler cet apprentissage en classe via une dictée est une pratique fréquemment observée dans les classes. Pourtant cette pratique, telle quelle, est inégalitaire car elle crée des disparités importantes entre les enfants (à la fois au niveau de l’aide reçue à la maison mais aussi au niveau des stratégies d’apprentissage utilisées). Cet apprentissage relégué à la maison sans contrôle des stratégies utilisées pour apprendre creuse les écarts entre élèves et défavorise les élèves déjà en difficulté.
IL EST DONC FONDAMENTAL D’APPRENDRE L’ORTHOGRAPHE EN CLASSE. Il faut apprendre l’orthographe des mots choisis en appliquant des stratégies de mémorisation efficaces et aussi apprendre ces stratégies pour pouvoir ensuite les appliquer quand on est seul. Pour cela, il faut que l’enseignant enseigne de façon explicite les bonnes stratégies.

Les stratégies de mémorisation orthographique efficaces
- Quand les mots s’y prêtent, se référer à la morphologie ou à l’étymologie du mot s’avère très efficace et ce, dès le CP et encore plus pour les élèves dyslexiques. Ex : danseur = danse+suffixe ‘eur’ qui signifie ‘celui qui danse’ donc comment écrit-on celui qui coiffe ? celui qui vend ? mais aussi travailler ensemble les mots de la même famille : terre/terrain/territoire …
- Copie avec modèle caché : examiner attentivement le modèle écrit puis le cacher et l’écrire de mémoire et comparer (attention à bien corriger l’écriture si nécessaire et faire recommencer). C’est une stratégie efficace notamment auprès d’élèves en difficulté ou d’élèves avec trouble de l’attention (TDA). Cette stratégie peut être apprise et pratiquée collectivement en classe de façon guidée par l’enseignant puis reproduite seul face à un mot à apprendre. Il en existe de nombreuses variantes. On peut y appliquer une progressivité : commencer par la copie de mots avec modèle puis copie de mots masqués partiellement puis copie de mots masqués totalement.
- Pour mémoriser une orthographe particulière, des moyens mnémotechniques supplémentaires peuvent être proposés tels que la technique visuo-sémantique qui consiste à inclure la particularité orthographique du mot dans un dessin illustrant le sens du mot. On appelle aussi cela « l’orthographe illustrée« . C’est une technique très efficace notamment pour les élèves avec troubles des apprentissages. De plus, l’élève peut générer ses propres dessins.

- Et la dictée ? Elle est souvent citée comme le principal exercice d’orthographe mais une dictée classique est davantage un outil d’évaluation, de contrôle de l’orthographe qu’un outil d’apprentissage. L’important est ce qui se passe avant la dictée (les stratégies de mémorisation de l’orthographe) et après la dictée : utilisation de feedbacks immédiats et personnalisés et correction pour faire progresser l’élève (ex : quand un mot a été mal écrit, le plus efficace est de le montrer 5 sec et de le faire réécrire de mémoire plutôt que de le faire copier). Aujourd’hui il existe des formes de dictée très différentes de la dictée classique qui ont été imaginées pour favoriser l’apprentissage orthographique : dictée négociée, dictée guidée, dictée 0 fautes, … On peut supposer qu’elles sont efficaces à condition d’inclure des situations qui amènent l’élève à mobiliser des stratégies de mémorisation efficaces et qui proposent des feedbacks efficaces.

Apprentissage volontaire de l’orthographe : choix des mots retenus
Tous ces exercices et stratégies à mettre en place pour mémoriser l’orthographe de mots particuliers prend du temps. On ne peut donc pas apprendre de cette façon les milliers de mots de notre langue, il faut de ce fait en choisir certains.
Critères de choix pertinents : la fréquence à l’écrit et la difficulté orthographique.
Mais effectuer ce choix sans aide peut vite devenir un casse-tête. On a donc souvent recours à des listes toutes faites et cela peut être pertinent si elles sont construites en fonction de ces 2 critères. Malheureusement, certaines listes très utilisées par les enseignants pour construire leur progression en orthographe lexicale ne sont pas construites sur ces 2 critères. Ex de l’échelle Dubois-Buyse qui n’est plus éditée aujourd’hui mais qui circule toujours qui est peut être intéressante pour évaluation du niveau d’orthographe mais qui ne doit pas être utilisée pour choisir les mots à faire apprendre explicitement puisque il ne s’agit pas de mots difficiles pour les niveaux de classe indiqués. Il existe une liste de fréquence lexicale sur le site EDUSCOL qui regroupe 1500 mots classés par ordre de fréquence dans les textes mais sans indicateur de difficulté orthographique.
Or, il convient de combiner dans une même liste fréquence et difficulté orthographique. Pour cela il existe une base de données peu connue qui est issue de la recherche et qui est accessible en ligne dans laquelle on peut lancer une recherche en demandant des mots fréquents ET orthographiquement difficiles : https://www.manulex.org/fr/infra/request.html