Le français, une langue écrite alphabétique
Caractéristiques du français écrit
Le français écrit est une langue alphabétique qui utilise un ensemble de signes écrits (les lettres) pour coder les phonèmes (plus petit morceau du langage oral).
La caractéristique fondamentale pour l’apprentissage de la lecture dans une langue donnée, c’est le degré de transparence de cette langue, c’est-à-dire le degré de simplicité du code permettant de passer des phonèmes aux lettres et inversement.
Or, le français est une langue opaque, non transparente car elle possède un code écrit complexe puisque une même lettre (ou séquence de lettres) ne correspond pas toujours au même phonème et peut donc se lire de différentes façons (ex : le « en » de « vent », « examen », « dolmen »). De plus, la plupart des phonèmes peuvent s’écrire de différentes façons (ex avec le phonème [o] qui peut s’écrire ‘o’, ‘au’ ou ‘eau’).
Le code du français écrit est donc très complexe. Il va, de ce fait, être difficile à apprendre et le temps nécessaire à cet apprentissage sera bien plus long que pour une langue transparente (comme le finnois, l’italien ou le turc par exemple).

L’acte de lecture
Etre capable de lire, c’est être capable à partir d’une prise d’information visuelle de retrouver le message oral écrit (=décoder) et de donner du sens à ce message (=comprendre). Il y a donc 2 grandes catégories de mécanismes dans l’acte de lire : ceux pour trouver l’oral à partir de l’écrit et ceux pour donner du sens à ce message. On fait donc 2 choses à la fois !
L’enfant va donc devoir apprendre à faire une de ces choses de façon automatique, avant de savoir tout faire en même temps, comme le fait un lecteur expert… et cela va lui demander beaucoup d’entraînements !
-Trouver l’oral à partir de l’écrit est une action spécifique à la lecture et s’appelle L’IDENTIFICATION des mots écrits : on va apprendre les règles de passage de l’écrit à l’oral c’est-à-dire les règles du code oral-écrit.
-Donner du sens c’est COMPRENDRE qui est une activité complexe, non spécifique à la lecture.
LIRE = identifier des mots écrits x comprendre

Liens entre identification et compréhension
L’identification et la compréhension sont 2 processus complémentaires qui interagissent pendant la lecture et s’entraînent indépendamment.
L’apprenti lecteur débutant commence par apprendre les relations entre les lettres et les sons c’est-à-dire à DECODER, et ce décodage lui demande beaucoup d’efforts cognitifs. Si toutes les capacités sont vouées à la tâche de décodage alors il ne lui en restera pas beaucoup pour comprendre ce qu’il lit pendant qu’il décode. Cette situation de double tâche est fréquente au début de l’apprentissage de la lecture.
Pour s’en libérer, il y a une solution : rendre une de ces 2 tâches automatiques ; ce pourquoi le débutant doit beaucoup s’entraîner pour automatiser l’identification des mots écrits afin de pouvoir concentrer ses efforts sur le sens de ce qu’il lit. Arriver à identifier les mots écrits sans effort est un des principaux objectifs des premières années d’apprentissage de la lecture.
La compréhension peut aussi aider l’identification, surtout chez les lecteurs en difficulté : si l’enfant présente un bon niveau de langage oral et pas de difficulté de compréhension, il peut arriver, en s’appuyant sur sa compréhension de l’histoire, à anticiper les mots*. Mais si l’élève est en difficulté aussi sur le plan de la compréhension, il lui sera impossible de compenser ses difficultés d’identification.
IL EST DONC FONDAMENTAL D’AMELIORER LE LANGAGE ET LA COMPREHENSION DE TOUS LES ENFANTS QUI EN ONT BESOIN, et ce AVANT l’apprentissage de la lecture.
*N.B. : en général, ces enfants-là lisent mieux les textes que les mots isolés dans une liste. Pour évaluer le niveau d’identification des mots écrits chez un enfant et repérer ceux qui ont encore des difficultés dans ce domaine, la lecture de mots isolés ou même de pseudo-mots est de ce fait plus pertinente que celle de textes (ce, afin que le lecteur ne puisse pas masquer ses difficultés d’identification en s’appuyant sur le contexte).
L’identification des mots écrits
1ère étape : le traitement visuel des mots écrits
Tout commence par le traitement visuel sur les mots écrits qui n’est pas le même que celui fait sur les objets, les personnes, les paysages : il est particulier, non naturel, très spécifique et doit s’apprendre.
Notre capacité de traitement visuel innée est mise en difficulté face aux mots écrits pour des raisons liées aux caractéristiques spécifiques des lettres et au fait que les mots sont composés de suites de lettres proches.
- Difficultés du traitement visuel au niveau des lettres : dans notre quotidien et depuis la nuit des temps, l’homme reconnaît des objets quelle que soit leur orientation et même s’il ne les voit pas entièrement. Donc quand on voit des lettres pour la première fois, notre système visuel les traitent comme les autres objets (pour lui, b=d, f=t, u=n). Notre système de traitement visuel doit donc progressivement apprendre à prendre en compte l’orientation des lettres et tous les petits détails visuels qui les différencient.
- Difficultés de traitement visuel au niveau des mots : il existe un phénomène d’interférence latérale : les lettres proches les unes des autres ont tendance à se gêner, à se masquer les unes les autres et cela rend le traitement du mot difficile. Cependant, notre attention visuelle compense ce phénomène : il s’agit d’un petit projecteur qui permet au lecteur de traiter correctement une suite de lettres malgré les interférences. MAIS l’attention visuelle a une capacité limitée et, de ce fait, ne peut pas traiter une suite de lettres très longue alors notre regard doit se déplacer par petits bonds (saccades) et se fixer sur la plupart des mots importants de chaque ligne. Cette façon de déplacer son regard n’existe que dans l’acte de lecture.

2ème étape : les procédures de lecture
Une fois que les mots ont été traités visuellement, il faut être capable de passer de cette suite de lettres à la forme orale qui lui correspond.
Pour cela, on utilise 2 procédures : la procédure analytique (=décodage) ou la procédure lexicale (=reconnaissance automatique du mot).
- La procédure analytique (ou décodage) est utilisée pour lire des mots que l’on voit pour la 1ère fois (ex : pour un lecteur expert on utilise cette procédure lorsque l’on doit lire des mots tels que « antanaclase » ou « trihexyphenidyle »). Le principal avantage de cette procédure est de pouvoir tout lire de façon autonome mais son principal inconvénient est la lenteur et les erreurs possibles qu’elle peut engendrer.
- La procédure lexicale (ou reconnaissance instantanée des mots) est utilisée quand un mot a été suffisamment lu et que sa forme orthographique a été stockée en mémoire dans le lexique mental. Son principal avantage est de pouvoir lire vite et sans erreurs, son principal inconvénient est qu’elle ne s’applique qu’aux mots déjà lus de nombreuses fois et mémorisés.

Pour en savoir plus sur ces 2 procédures de lecture vous pouvez regarder ICI et LA.
Vers la lecture experte
Le but ultime de la lecture n’est pas d’identifier des mots écrits mais de tirer du sens et comprendre ce qu’on lit (accès au sens sémantique). De ce fait, l’objectif de l’apprentissage va être de lire de mieux en mieux pour comprendre de mieux en mieux.
Lire de mieux en mieux ce n’est pas lire de + en + vite (car ce n’est pas toujours un gage de bonne compréhension). Lire de mieux en mieux c’est utiliser la procédure lexicale (reconnaissance automatique) sur de + en + de mots et la procédure analytique (décodage) sur de – en – de mots. Il s’agit donc de trouver le bon équilibre pour bien lire.
La lecture parfaite (LECTURE FLUENTE) est une lecture qui ressemble au discours oral, c’est-à-dire qui a la vitesse de la parole. Un ingrédient important doit être combiné à la vitesse de lecture : c’est la PROSODIE (musique de la lecture oralisée) qui doit être proche de celle du langage oral.

Pour en savoir plus sur le vaste sujet de la fluence de lecture c’est LA !
Les difficultés d’apprentissage de la lecture
Les difficultés d’apprentissage de la lecture peuvent avoir plusieurs causes :
- Des causes environnementales : lorsque les difficultés s’expliquent par les expériences que l’enfant a vécues ou non. Ces difficultés sont en lien avec l’origine socio-culturelle et économique de l’enfant et l’une des conséquences est le niveau de langage faible, niveau qui a lui-même des conséquences sur l’apprentissage de la lecture.

- Des causes cognitives : lorsque les difficultés sont liées à une particularité du fonctionnement cognitif. C’est le cas des troubles des apprentissages spécifiques comme la dyslexie.

- Des causes sensorielles : lorsque les difficultés découlent d’un déficit auditif ou visuel. Ces déficits peuvent passer inaperçus lorsqu’ils sont légers mais gêner l’apprentissage de la lecture. En tant qu’enseignant, on veillera particulièrement aux enfants en provenance de pays dans lesquels le dépistage dans la petite enfance n’est pas systématique comme il l’est en France.

Parfois ces causes se cumulent et les difficultés sont alors amplifiées. Les situations familiales complexes peuvent ainsi gêner le repérage d’un trouble cognitif et retarder la prise en charge correcte de la difficulté d’apprentissage. Exemple : pour un enfant dyslexique de milieu socio-culturel et économique faible avec un langage pauvre, le repérage du trouble dys sera plus difficile.
IL EST DONC TRES IMPORTANT DE REPERER LES DIFFICULTES RAPIDEMENT APRES LE DEBUT DE L’APPRENTISSAGE pour aider tous les enfants à progresser de façon efficace. Pour cela, on peut faire appel aux membres des RASED qui ont des outils de repérage validés.