Définition de la fluence
On a tendance à penser qu’un bon lecteur (ou lecteur fluent) est un lecteur qui lit vite et avec précision c’est-à-dire sans erreur. Mais la fluence de lecture se limite-t’elle à ces 2 critères ?
La réponse est non bien entendu !
Voici les 4 CARACTERISTIQUES D’UNE LECTURE FLUENTE :
Automaticité de la lecture (nb de mots lus correctement lus par min ou NMCLM) | Prosodie de la lecture (musicalité de la lecture) |
1) PRECISION : lecture sans erreurs et sans hésitations (pas de difficulté d’identification des mots écrits) 2) VITESSE : lecture régulière et vitesse adaptée (ni trop lente, ni trop rapide) pour ne pas gêner la compréhension. | 3) PHRASé : lecture avec des pauses bien placées (respect de la ponctuation et des groupes de sens) et une intonation adaptée pour favoriser la compréhension. 4) EXPRESSIVITE : lecture avec expression : variations de timbre, de rythme, de hauteur, d’intensité … qui donnent vie au texte. Cette lecture avec du ton permet au lecteur de rendre compte de sa compréhension et de son interprétation du texte. |
La fluence est le lien entre identification des mots et compréhension.
La fluence est donc un facteur important pouvant limiter ou a contrario soutenir la compréhension.
Les dimensions prosodiques de la fluence

La prosodie est la musicalité de la voix, elle est essentielle à la compréhension d’un message oral. Elle porte le message non-verbal comme les émotions ou les intentions du locuteur. C’est une des premières caractéristiques du langage oral : elle est perçue dès les 1ers mois de vie et est une des bases du développement du langage oral.
Rôle du phrasé en lecture
Le phrasé a 2 fonctions principales : découper, segmenter le discours pour mieux le comprendre et le désambiguïser c’est-à-dire donner 1 sens et 1 seul à une phrase pouvant être interprétée de plusieurs façons (ex : « La petite//brise la glace » n’a pas le même sens que « La petite brise//la glace »).
Pour se faire, à l’écrit, le lecteur s’appuie en grande partie sur la ponctuation pour placer pauses et intonation. Il est en effet très important de marquer la ponctuation (ex : « on va manger, grand-mère » n’a pas le même sens que « on va manger grand-mère »).
Un phrasé adapté se traduit par des pauses et une intonation s’appuyant également sur la syntaxe du texte (ex : pour séparer des groupes de sens dans une phrase complexe).
Un phrasé perturbé c’est-à-dire une lecture avec des pauses et une intonation mal placées ou inexistantes peut être un véritable frein à la compréhension.
Rôle de l’expressivité en lecture
L’expressivité ce sont les variations de rythme, de hauteur, de timbre, d’intensité dans la voix. Elle porte le message non-verbal ; par exemple elle permet de faire un focus sur un mot pour en montrer l’importance ou de mettre une intonation qui traduit l‘émotion de la personne. En lecture, l’expressivité est utilisée pour donner vie au texte : on « met le ton » pour créer une ambiance.
Lire avec une expressivité adaptée implique nécessairement une bonne compréhension du texte, une interprétation des intentions de son auteur en termes d’ambiance, d’émotions des personnages, etc…
Le développement de la prosodie en lecture
Le phrasé et l’expressivité se développent de manière conjointe avec la vitesse et la précision.
Le phrasé se développe dès le début de l’acquisition de la lecture, conjointement à la vitesse et à la précision. En effet, pour avoir un phrasé correct, il ne faut pas hésiter sur les mots ou lire trop vite. Dès que l’élève est capable de décoder des mots, il va commencer à les grouper : d’abord en petits groupes de 2 ou 3 mots puis en groupes de sens de + en + longs.
A PARTIR DE LA FIN DU CE2 OU DE LA FIN DU CM1, IL SERA NORMALEMENT CAPABLE DE LIRE AVEC UN PHRASé CORRECT et de coordonner sa respiration avec sa lecture.
L’expressivité est également présente dès le début de la lecture ; cependant elle se développe + rapidement à partir du début du CE2 (lorsque les mots écrits sont reconnus normalement sans effort) et elle continue à se développer tout au long du cursus de l’école primaire. Certains aspects sont acquis assez rapidement, d’autres continuent à se développer au collège.
Lien entre fluence de lecture et compréhension de textes
Lien entre automaticité de la lecture et compréhension
La lecture nécessite l’identification des mots écrits et leur compréhension et ces 2 processus sont dépendants l’un de l’autre.
En effet, pour comprendre ce qui est lu, il faut lire avec précision et suffisamment rapidement. Mais, à l’inverse, la compréhension va également aider à identifier + rapidement et facilement les mots : quand on comprend ce qu’on lit, on anticipe les mots qui arrivent et on les reconnaît ainsi + facilement et + rapidement.
La compréhension évolue avec l’augmentation de la précision et de la vitesse. Les lecteurs les + lents sont généralement ceux qui ont la compréhension la + faible (il existe des exceptions). En effet, si le NMCLM n’est pas suffisant, il est difficile de comprendre. Le NMCLM et la compréhension augmentent ensemble.
MAIS ATTENTION : passé le seuil optimal de NMCLM pour lequel la compréhension est à son maximum, si la vitesse continue d’augmenter, la compréhension se déteriore ! IL EST DONC IMPORTANT DE NE PAS LIRE TROP VITE POUR BIEN COMPRENDRE.
De plus, bien qu’il faut une vitesse et une précision minimales pour comprendre, chacun a une vitesse de lecture optimale qui lui est propre et qui lui permet de bien comprendre et cette vitesse n’est pas la même pour tout le monde. Autrement dit, tout le monde n’a pas besoin de lire + vite pour comprendre ; certains peuvent même avoir besoin de ralentir leur lecture pour cela.
IL FAUT DONC BIEN REFLECHIR QUAND ON DONNE AUX JEUNES LECTEURS UN OBJECTIF DE VITESSE DE LECTURE CAR CELA N’EST PAS NECESSAIRE POUR TOUS !
De plus, AXER TOUS LES EXERCICES DE FLUENCE SUR LA VITESSE PEUT AMENER CERTAINS ELEVES A PRIVILEGIER LA VITESSE AU DETRIMENT DE LA COMPREHENSION.

Lien entre prosodie et compréhension
Les dimensions prosodiques de la lecture viennent compléter ce lien entre fluence et compréhension :
- Le phrasé découpe le discours pour faciliter la compréhension et cela est indispensable pour bien comprendre.
- L’expressivité adaptée au texte nécessite la compréhension de celui-ci. Le lecteur doit interpréter les intentions de l’auteur pour adpater son expression.
C’est ainsi que les dimensions prosodiques sont liées à la compréhension.
Mais la fluence évolue beaucoup au cours du temps entre les débuts de la lecture au CP et l’expertise et la relation entre fluence et compréhension évolue avec le niveau de lecture : c’est la vitesse et la précision de la lecture qui sont fortement liées à la compréhension au début de l’apprentissage. Mais lors de ces premières années, la prosodie est déjà corrélée à la compréhension. Au fur et à mesure des années et des progrès en lecture, la corrélation entre automaticité (ou fluidité) et compréhension diminue et celle entre prosodie et compréhension s’intensifie jusqu’à devenir maximale à l’entrée au lycée.
Le lien entre prosodie et compréhension est bi-directionnel : on s’appuie sur la compréhension du texte pour en avoir une lecture prosodique (mettre le ton, être expressif) mais on utilise également la prosodie pour nous aider à comprendre. Cela dépend de l’âge du lecteur et de la complexité du texte. Ex : la prosodie est + marquée quand on lit un texte complexe : pauses + fréquentes, + longues, intonation + marquée, comme si on décodait le texte pour mieux le comprendre.
Les études longitidinales montrent que les enfants les + expressifs au début de l’apprentissage sont aussi ceux qui comprennent le mieux par la suite.
IL EST DONC NECESSAIRE D’EVALUER ET DE TRAVAILLER TOUTES LES DIMENSIONS DE LA FLUENCE DES LE DEBUT DE L’APPRENTISSAGE DE LA LECTURE POUR FAVORISER LA COMPREHENSION.
Pour la question de l’évaluation de la fluence, voir ICI.
Pour la question de l’enseignement de la fluence dans toutes ses dimensions, se reporter LA.